Communiqué de l’APPUSB : Les compressions exigées des établissements postsecondaires manitobains

Association des professeur.e.s et des professionnel.le.s de l’Université de Saint-Boniface

200, avenue de la Cathédrale

Winnipeg, Manitoba R2H 0H7

******** Pour diffusion immédiate********

Le 24 avril 2020

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Les compressions exigées des établissements postsecondaires manitobains

Nous sommes sidérés par l’attitude de notre gouvernement : encore et toujours obnubilé par sa petite politique comptable d’équilibre budgétaire. Alors que nombre de gouvernements provinciaux au pays, sans parler des efforts admirables à bien des égards de l’administration Trudeau, pensent en matière de dépenses pour contrer les effets dévastateurs de la maladie à coronavirus et la chute vertigineuse de l’économie, le gouvernement Pallister, lui, reste figé dans sa quête d’un équilibre budgétaire soi-disant responsable.

Si le gouvernement contribue à un dollar dans sa lutte contre la COVID-19, il faut qu’il coupe la même somme ailleurs dans son budget. On peut se demander quelle est sa cible de prédilection dans cet exercice de rationalisation économique : les universités et les collèges manitobains? L’administration en place exige – elle ne demande pas – que ces établissements coupent 10 % à 30 % de leur budget pour les quatre prochains mois, soit de mai à août inclusivement.

De toute évidence, le gouvernement Pallister poursuit la guerre engagée contre l’enseignement postsecondaire depuis sa première élection à la tête de l’Assemblée législative. Revenons un peu en arrière. La première attaque, de portée générale pour les secteurs public et parapublic, a été le gel ou le quasi-gel salarial de tous les employés gouvernementaux. Quant à la seconde, elle a pris pour cible le budget de l’enseignement postsecondaire qui n’a cessé de se réduire comme une peau de chagrin au fils des ans. Les quelques miettes jetées çà et là n’ont même pas été suffisantes pour couvrir le taux d’inflation.

Dans le cas spécifique de l’Université de Saint-Boniface, le résultat a été net et brutal : au moins trois postes ont dû être coupés l’année dernière, deux de professeurs et un autre dans le secteur administratif. Mais ce n’est pas tout, car non content de s’en prendre au financement des universités et des collèges, le premier ministre, dans une lettre-mandat aux allures de diktat datée du 19 décembre dernier, a fait part aux dirigeants de ces établissements de ses attentes quant aux orientations de leurs programmes d’études. Il est tout à fait remarquable que cette lettre n’émane pas comme dans le passé du ministre des Études postsecondaires, mais bel et bien du ministre du Développement économique et de la formation de la main-d’œuvre.

C’est désormais sous la responsabilité de ce dernier que tombe l’enseignement postsecondaire. Inutile d’aller plus loin pour comprendre dans quelle direction le gouvernement entend fermement orienter les études postsecondaires : finaliser au plus vite la formation de la main-d’œuvre de remplacement pour les rouages de l’économie. Rien de moins, mais surtout rien de plus! On ne s’intéresse guère à la formation de la personne, encore moins à celle d’un citoyen avisé et critique qui pourrait élever une voix contestataire. Au vrai, tout ce qui compte, c’est de répondre aux besoins à très court terme du marché de l’emploi et à la demande des entreprises. Le véritable court terme, ainsi que le moyen terme et le long terme, s’occuperont d’eux-mêmes. Ce sophisme nous laisse pantois.

Nous voilà arrivés aujourd’hui à ce que nous considérons comme la dernière offensive en lice contre les études postsecondaires. Celle-ci illustre bien le mépris de ce gouvernement pour le personnel des établissements universitaires et collégiaux : l’exigence de compressions à hauteur de 10, 20 ou 30% des budgets pour les quatre prochains mois. Mais l’annonce faite manque de clarté. Les compressions exigées portent-elles sur le budget d’une année entière? Si tel est le cas, cela annoncera le congédiement de la quasi-totalité du personnel dans un avenir rapproché. Portent-elles aussi sur la portion budgétaire allouée aux universités et aux collèges par le gouvernement fédéral?

Une chose est sûre cependant, c’est que l’impact à court, à moyen ou à long termes sera catastrophique, car il remettra en question la viabilité de l’Université de Saint-Boniface – un établissement dont les ressources administratives et professorales sont étirées de telle sorte qu’on ne saurait couper davantage sans mettre en péril ses disciplines universitaires, les programmes qui y sont associés et l’intégrité de sa mission. De plus, cette exigence de compressions budgétaires illustre bien une idée courante que ce gouvernement a faite sienne : les professeurs des universités et des collèges ne travaillent plus une fois les cours terminés à la fin avril. Ils commencent alors leurs longues et belles vacances de quatre mois consécutifs. En matière d’ignorance, on ne saurait faire mieux.

Cette vision du professorat universitaire et collégial n’a qu’une seule et unique fonction, deux peut-être : entretenir et véhiculer des stéréotypes sans aucun fondement réel, sans aucune attache à la réalité. En fait, ces mois nous permettent de nous consacrer avec plus d’assiduité à nos recherches, de les présenter à nos pairs dans le cadre de colloques nationaux et internationaux, sans oublier la préparation et la révision de nos cours pour la prochaine rentrée. Impossible par ailleurs de faire l’impasse sur le caractère mesquin de cette attaque, car faut-il rappeler qu’elle est menée dans un contexte de rapport de forces inégal, où les consignes de confinement, comme celles de distanciations physique et sociale d’ailleurs, réduisent pratiquement à néant la capacité de mobilisation des syndicats et de leurs membres. Le gouvernement a le champ libre pour imposer sa volonté.

Avec cette dernière demande de compressions budgétaires, le gouvernement Pallister continue donc son travail inlassable de sape contre une institution pourtant clé de notre société, de son développement aussi bien que de son évolution : l’université. Le coup est d’autant plus dur à encaisser que, il faut se le dire et même le répéter haut et fort, nos universités participeront pleinement à la relance de l’économie. Si l’on souhaite que nos étudiantes et étudiants reçoivent une formation postsecondaire de qualité au même titre que les autres jeunes adultes du pays, il faut que ce gouvernement mette un terme une fois pour toutes à ses attaques contre nos universités et nos collèges.

Peut-être ne serait-il pas inutile de lui proposer ce petit aide-mémoire : ce sont dans nos universités – ou par des chercheurs formés par celles-ci – que sera découvert un jour un vaccin contre la maladie à coronavirus; ce sont dans nos universités que sont formés les médecins, les infirmières et infirmiers de demain; ce sont dans nos universités que les impacts sociaux et économiques de la présente pandémie sont étudiés; ce sont dans nos universités où la prochaine génération de scientifiques sera formée, celle-là même qui nous permettra de prendre soin de nos citoyens et de faire front contre les pandémies du futur.