L’abandon d’un financement relié à la performance
Dans une lettre envoyée aux universités le 28 avril 2023, la province du Manitoba annonçait qu’elle abandonnait son projet d’introduire un financement des universités (lien vers le reportage de Radio Canada Manitoba) basé sur le taux de réussite ou sur le revenu de ses diplômés. Autrement connu sous le nom de « modèle Tennessee, » ce modèle de financement faisait une corrélation plutôt discutable entre la pertinence d’une université, la réussite académique des étudiants et leur placement dans le marché du travail. Cette idée comporte non seulement une vision réductionniste des études comme une formation au travail, mais il s’appuie également sur un raisonnement qui ne connait pour seule raison que les chiffres.
Or, s’il y a bien une leçon que les Franco-Manitobains ont apprise depuis plus d’un siècle, c’est que les chiffres tournent toujours à leur désavantage. Car toute logique chiffrée, reposant sur la rentabilité et l’optimisation d’une performance n’a que peu d’égard pour des francophones en situation minoritaire.
En situation minoritaire, on survit rayonne
Alors que l’USB semble être à la recherche d’une nouvelle image de marque et s’enquiert de l’avis de quelques personnes triées sur le volet, on ne peut s’empêcher de se demander comment ne pas reconnaître ce qui saute aux yeux. L’USB est certes une institution utile pour renouveler les cadres, les professionnels et la population francophones de demain. Mais c’est surtout, une fabrique de talents.
Quand on se retrouve aux confins de la francophonie canadienne et mondiale, entourés d’anglophones, on ne peut que se parler, s’écouter et briller ensemble. C’est dans une petite université comme la nôtre qu’on se connait, qu’on se côtoie souvent au travail comme en fin de semaine. C’est aussi dans cette promiscuité et cette grande complicité que l’on constate à quel point la créativité, la recherche, la passion pour l’enseignement et la communauté sont contagieuses.
Il n’y a qu’à l’USB peut-être où l’on peut observer sur un radius de moins de 200 mètres des chercheurs de toutes les disciplines dont les trouvailles rayonnent de manière internationale, des artistes dont les œuvres sont connues bien au-delà de l’Amérique du Nord, des enseignants passionnés qui renouvellent leurs approches et les partagent dans des colloques, une équipe de concierges si engagée et créative qu’elle ose l’humour et le sourire pour lever des fonds au profit de la banque alimentaire étudiante, des femmes solidaires se rassemblant au travers des différents syndicats de l’institution pour s’imaginer comment considérer la femme comme une personne, au même titre que l’homme, et l’amener à dépasser toutes les limites qui s’imposent à elle.
Une créativité contagieuse
C’est au travers de sa créativité, de son innovation et de ses idées que la francophonie manitobaine rayonne. Quand on comprend que l’USB tient le rôle de fabrique de talents, on est peu surpris de voir une liste d’alumni très prestigieuse pour une institution de cette taille. Lorsqu’on constate un tel dynamisme, on ne peut s’empêcher de se demander ce que cette équipe qui constitue l’USB pourrait réaliser si ses membres disposaient de de plus de temps, de soutien, et de moyens financiers pour réaliser leurs projets. Ce serait peut-être de cette manière que l’on inspirerait la jeunesse de demain de rejoindre les bancs de l’USB pour apprendre les aptitudes qui leur permettront à leur tour de rêver, inventer et créer pour la francophonie de demain. Leurs conditions d’apprentissage dépendent des conditions de travail des employés de l’USB.
La règle ou l’exception ?
Enfin, on peut aussi se demander si l’USB constitue une exception ou si elle nous permet simplement de magnifier, grâce à sa modeste taille, la visibilité de chaque accomplissement et la passion de ses membres pour la communauté, tout ce que propose l’université à la société de manière plus générale. En effet, la recherche, la créativité, l’innovation, la collaboration, l’entraide et l’engagement sont des processus de fabrication principaux d’une université. Qu’elle soit francophone ou anglophone, ce sont des procédés dont les résultats sont souvent impossibles à quantifier. Parfois directs et évidents, ces dynamiques sont aussi indirectes et moins visibles. Surtout, leurs effets se mesurent sur la longue durée, sur toute la création d’un corpus de savoir, des générations d’étudiants, toute une tradition d’engagement communautaire, plutôt que sur de simples cohortes de diplômés. C’est donc une bonne nouvelle que le gouvernement provincial ait abandonné le projet de relier le financement à une performance strictement numérique. C’est peut-être aussi pour ces raisons que l’USB devrait peut-être promettre plus que l’opportunité de devenir bilingue. Elle offre à sa population étudiante tous les moyens de développer leurs talents.